D’une foulée alerte, Stéphane Beuchec entamait la dernière phase de son parcours. Tous les samedis soirs pairs, en l’absence de match à domicile du Stade Brestois, il cédait à la tentation de croire que le footing était bon pour la santé. Là où d’autres s’évertuaient à rentrer leur bedaine le dimanche midi pour séduire les jeunes joggeuses en contre-bas du parc des expositions de Penfeld, il préférait la nuit tombante pour sentir la sueur dégouliner de ses aisselles comme mue par la loi de la gravitation universelle vers sa taille enveloppée dans un équipement high-tech.
Directeur des ressources humaines du principal chantier de réparation navale de la ville, sa vie professionnelle était émaillée de multiples crises ces derniers mois. Son entreprise venait de décider d’un important plan social qui supposait moult suppressions d’emplois. Environ 300 sur un effectif total de 500 personnes. La tâche de sélectionner les futurs chômeurs lui incombait. C’était là l’une des missions tragiques d’un DRH en poste mais cela justifiait aussi les émoluments que l’entreprise lui versait chaque mois. Une forme de sous-traitance des emmerdements pour le patron. Il savait bien, comme cela avait le cas lors de son dernier emploi, qu’un moment arriverait où ce serait sa propre lettre de licenciement qu’il expédierait. Cela ne l’inquiétait pas outre mesure. Dans une forme de normopathie, il souscrivait à cette forme larvée de la guerre économique.